Remise à niveau d’une installation électrique avant passage en triphasé : méthode, schéma et conseils pratiques

Cet article part d’une question posée par un internaute sur un groupe Facebook dédié à la rénovation électrique. Sa situation nous a tout de suite semblé pertinente à décortiquer : il prévoit de rénover complètement son installation électrique, aujourd’hui en monophasé, en prévision d’un passage en triphasé 18 kVA.
Une problématique fréquente, mais souvent mal anticipée : comment répartir ses circuits intelligemment ? Que faut-il prévoir côté parafoudre, différentiel, disjoncteur tétra ? Et surtout… comment éviter de tout refaire dans 6 mois ?
Nous avons décidé d’en faire un article complet, à la fois technique, pédagogique et orienté bonnes pratiques. Il s’appuie sur les schémas partagés par l’internaute, les photos des tableaux actuels, et les commentaires du groupe, parfois très utiles, parfois à prendre avec du recul (oui, les “moi j’aurais tout mis sur un seul différentiel” existent encore…).
Demande et contexte initiales
Bonjour,Dans le cadre de la remise à niveau de mon installation électrique, je souhaite vérifier si j’ai bien prévu tous les circuits nécessaires dans mes schémas de tableaux (deux tableaux prévus : 4 rangées de 18 modules chacun).Je commence par rénover le tableau principal de la maison, actuellement en monophasé. Il sera organisé de façon à répartir les charges sur les trois premières rangées (en prévision du passage en triphasé), la quatrième rangée restant en réserve pour un futur parafoudre et un disjoncteur tétrapolaire pour l’atelier.Dans un second temps, avant le passage du compteur en triphasé 18 kVA, je prévois d’installer un tableau dédié à l’atelier. En attendant ce changement, l’atelier sera alimenté par un tableau secondaire en monophasé, situé dans la pièce juste en dessous du futur tableau principal.
Enfin, voici deux photos des tableaux actuels, devenus trop petits et à remplacer.




Analyse du tableau : bonne approche ou à revoir ?
Ce qui est bien pensé dans cette installation
Prévision du passage en triphasé :
- Les circuits sont déjà répartis sur 3 rangées distinctes, anticipant une future distribution par phase (PH1, PH2, PH3).
- Cela évitera les déséquilibres de phases lors de la bascule, ce qui est très bon point pour la stabilité de l’installation.
Place laissée en réserve (rangée 4) :
Une excellente pratique. Elle permet d’ajouter sans stress un parafoudre type 2, un disjoncteur tétrapolaire pour l’atelier, ou d’évoluer vers une solution domotique/compteur secondaire.
Nombre d’interrupteurs différentiels respecté :
La règle des 8 circuits maxi par ID est bien respectée.
Le choix de type AC 63 A est conforme pour les circuits standards, même si un type A est conseillé pour les appareils sensibles (MAL, VE, plaques à induction…).
Distinction claire entre les tableaux
Le tableau secondaire (atelier) est bien identifié, avec circuits spécifiques.
Le disjoncteur tétra 40 A prévu entre maison et atelier est cohérent.
Ce qui peut être amélioré ou précisé
Type des interrupteurs différentiels :
Il manque une précision sur le type A indispensable pour certains circuits (VE, machine à laver, plaque de cuisson). Il serait préférable d’avoir au moins un ID type A 63 A, voire un type F ou B pour des équipements spécifiques (VE ou électronique sensible).
Étiquetage incomplet dans les schémas :
Certains circuits sont nommés “libre”, “combiné”, “SAR”, “tour”, sans indication précise sur leur usage. Cela complique le diagnostic ou la maintenance.
Pour un tableau aussi structuré, un étiquetage clair est essentiel (même si la personne qui l’a fait doit connaître la signification)
Installation du parafoudre : attention à la distance entre tableaux
Le parafoudre est prévu mais non encore installé, ce qui est dommage dans une rénovation complète. Il devrait être posé dès maintenant dans le tableau principal.
Or, l’auteur précise que le tableau secondaire est situé à 15–20 mètres du tableau principal. Cette distance impose deux solutions possibles :
- Installer un second parafoudre dans le tableau secondaire (recommandé)
- Ou utiliser un disjoncteur différentiel sélectif en amont, avec vérification de la sélectivité des protections
Enfin, rappel important : la liaison entre le parafoudre et la terre doit être inférieure à 50 cm, avec une section identique aux conducteurs principaux (souvent 10 mm²).
Répartition des puissances pas encore définie :
Il est bon de nommer les phases PH1/PH2/PH3, mais rien n’indique la répartition réelle des charges. Une estimation des puissances par phase serait utile pour le jour du basculement en tri.
Notre verdict
✅ Globalement, le tableau est bien conçu et largement pertinent. Il respecte les normes, anticipe le triphasé, distingue bien les zones maison/atelier, et laisse de la place pour évoluer.
À améliorer :
- Ajouter au moins un différentiel type A
- Poser un parafoudre dès maintenant
- Renseigner clairement les circuits étiquetés « libre »
- Prévoir un plan de charge par phase (puissance en watts) pour le tri
Pour aller plus loin, nous allons expliquer toute la réflexion derrière. C’est parti !
Introduction
Rénover une installation électrique domestique en anticipant un futur passage en triphasé demande rigueur, méthode et prévoyance. C’est exactement ce que nous allons explorer ici à travers un exemple concret : une installation monophasée existante, vieillissante, devant être modernisée via deux nouveaux tableaux de répartition bien organisés. L’objectif : assurer la sécurité, la conformité à la norme NFC 15-100, et préparer la montée en puissance vers un abonnement triphasé 18 kVA.
1. Contexte et état des lieux
Deux photos valent mille mots : les tableaux existants montrent une installation datée, surchargée, et difficile à faire évoluer. D’un côté, un petit tableau Legrand pour un atelier, de l’autre un tableau principal Hager vieillissant, accompagné du compteur Linky et du disjoncteur général. La croissance des besoins en puissance (ateliers, chauffage, électroménager moderne) impose une restructuration.
2. Objectif de la rénovation électrique
L’objectif de cette rénovation se décline en plusieurs phases :
- Remplacer l’ancien tableau principal par un tableau 4 rangées de 18 modules, prêt pour le triphasé
- Prévoir un tableau secondaire dédié à l’atelier, d’abord alimenté en monophasé, puis en triphasé après modification de l’abonnement
- Répartir les circuits de manière cohérente et conforme à la norme
- Anticiper l’ajout d’un parafoudre et d’un disjoncteur tétrapolaire pour l’atelier en triphasé
- Éviter toute surcharge des rangées et faciliter les évolutions futures
3. Schéma du nouveau tableau principal
Le nouveau tableau principal est conçu pour accueillir les circuits domestiques courants, tout en préparant la transition vers le triphasé.
Répartition par rangée :
- Rangée 1 : circuits puissants (Four, chauffage, prises)
- Rangée 2 : circuits cuisine, congélateur, éclairage
- Rangée 3 : machine à laver, véhicule électrique, éclairage complémentaire
- Rangée 4 : réservée pour les évolutions (parafoudre, disjoncteur tétra, répartiteur)
Protection différentielle :
- 3 interrupteurs différentiels 63 A (type AC ou A selon les usages) répartis sur les 3 premières rangées
- Un espace laissé libre pour un ID type B si VE ou appareils spécifiques
À retenir :
– Type A obligatoire pour les circuits contenant de l’électronique de puissance (lave-linge, VE, induction, etc.)
– Type AC suffisant pour l’éclairage ou les prises simples
Exemple de circuits prévus :
⚠️ À noter :
– Même si certains appareils (plaque électrique, sèche-linge, etc.) ne sont pas encore en service, il est judicieux de réserver un disjoncteur dédié ou un emplacement libre dans le tableau.
– La VMC peut être reliée à un circuit de prises si elle est simple flux et de faible puissance. En revanche, une VMC double flux ou programmable doit être alimentée via un circuit dédié en 2,5 mm² avec disjoncteur 16 A.
4. Schéma du tableau secondaire (atelier)
Dans l’attente du passage en triphasé, un tableau secondaire monophasé est installé pour l’atelier. Il sera ultérieurement remplacé par un tableau triphasé plus complet.
Particularités :
- Alimentation par disjoncteur 40 A tétrapolaire depuis le tableau principal
- Intégration de circuits dédiés : aspiration, machines, éclairage
- Préparation de la place pour un interrupteur sectionneur, contacteur tri 63 A, et un répartiteur tétra
Exemple de répartition prévue :
Rangée Circuits
- 1 SAR 20A, Prise 16A, Éclairage
- 2 Prise 16A, Éclairage, contacteur tri, PH1
- 3 Aspirations 16A, combiné 16A, PH2
- 4 Interrupteur sectionneur, réserve, répartiteur tétra
Ce schéma permettra un basculement fluide en triphasé dès que le compteur et l’abonnement seront mis à jour par Enedis.
5. Pourquoi prévoir maintenant le passage au triphasé ?
Le triphasé est rarement indispensable dans une maison, sauf en cas de besoins élevés simultanés (atelier, PAC, VE, cuisson, outillage pro). Voici les raisons de l’anticiper :
- Éviter les déséquilibres de phase lors du passage en triphasé si les circuits sont déjà bien répartis
- Préparer l’installation pour accueillir des équipements plus puissants
- Éviter un coût de modification en urgence après mise en service de nouveaux appareils
- Favoriser l’autoconsommation photovoltaïque, si vous prévoyez une installation en tri
6. Normes et bonnes pratiques respectées
La planification actuelle respecte plusieurs bonnes pratiques issues de la norme NFC 15-100 :
- Maximum 8 circuits par interrupteur différentiel
- Section des conducteurs adaptée à l’intensité des disjoncteurs
- Circuits spécialisés clairement identifiés (VE, MAL, congélation, four, etc.)
- Répartition future sur les trois phases anticipée (PH1, PH2, PH3 indiquées)
- Prévisions de modules réservés pour les extensions
- Pré-câblage et gestion par répartiteur tétrapolaire
7. Astuces pratiques pour réussir son tableau électrique
- Toujours surdimensionner légèrement le tableau : 4 rangées au lieu de 3 permet d’éviter les surcharges à long terme
- Utiliser des étiquettes précises pour chaque disjoncteur
- Laisser des modules libres sur chaque rangée pour les modifications futures
- Prévoir un parafoudre même si le réseau n’est pas sensible (sécurité renforcée)
- Utiliser des bornes WAGO ou borniers répartiteurs pour un câblage clair et durable
- En triphasé, répartir les charges selon les intensités réelles mesurées (ex : PAC sur PH1, four sur PH2, atelier sur PH3)
- Prévoir un plan de charge estimatif par phase (en watts) pour anticiper un bon équilibre lors du passage au triphasé.
8. Étapes du projet
- Remplacement du tableau principal (monophasé mais prêt pour triphasé)
- Mise en service du tableau secondaire pour l’atelier en monophasé
- Passage à l’abonnement triphasé 18 kVA
- Réorganisation des alimentations (atelier en tri, équilibre des phases)
- Ajout du parafoudre et du disjoncteur tétra
- Mise à jour des protections différentielles selon l’usage réel
Erreurs fréquentes à éviter
- Installer un tableau trop petit (risque de surcharge rapide).
- Répartir les circuits au hasard (déséquilibre lors du passage en tri).
- Oublier les circuits spécialisés (VE, congélateur, four).
- Négliger la réserve pour parafoudre et disjoncteur tétra.
- Ne pas anticiper les futurs besoins (atelier, panneaux solaires, etc.).
Bonnes pratiques à adopter
- Choisir un tableau 4 rangées minimum, même en monophasé.
- Prévoir 3 rangées actives pour une répartition par phase future.
- Installer des interrupteurs différentiels 63 A type A/AC adaptés.
- Laisser 20 % de place libre dans chaque rangée.
- Prévoir un parafoudre type 2 en tête (obligatoire selon exposition).
- Utiliser un répartiteur tétra pour le tableau atelier.
- Respecter une liaison à la terre du parafoudre ≤ 50 cm
- Prévoir un parafoudre secondaire si la distance entre tableaux > 10 m
- Si le parafoudre est unique, assurer la sélectivité différentielle en aval
- Si vous utilisez un contacteur pour le ballon d’eau chaude, placez-le sur une rangée avec un ID type A (car bobine de commande = source de courant de fuite possible).
9. Conclusion : une installation prête pour l’avenir
Grâce à une planification rigoureuse, cette rénovation assure une mise en conformité immédiate, tout en préparant l’avenir énergétique du bâtiment. Que vous envisagiez l’arrivée d’un véhicule électrique, des outils d’atelier puissants ou du solaire en autoconsommation, une installation bien pensée vous évite bien des tracas techniques et financiers.
L’anticipation dans la répartition des circuits et le choix d’un tableau surdimensionné sont les meilleurs alliés d’une installation électrique pérenne et évolutive.
Et surtout, ne pas négliger les détails normatifs comme la longueur de la liaison à la terre du parafoudre, la présence de circuits spécialisés (même non utilisés), ou la sélectivité entre tableaux — ce sont eux qui feront la différence entre une installation fiable et une galère future.
À retenir
- Une installation bien pensée aujourd’hui vous évite des surcoûts demain. En prévoyant dès maintenant un tableau dimensionné pour le triphasé, vous sécurisez vos équipements, facilitez l’entretien, et anticipez tous vos futurs projets : atelier, chauffage, voiture électrique, photovoltaïque.
FAQ – Foire aux questions
Faut-il absolument passer au triphasé ?
Non, sauf si vos besoins dépassent 12 kVA ou si vous avez des appareils triphasés (atelier, PAC, VE rapide, etc.). Mais il est judicieux de le préparer.
Dois-je prévoir un interrupteur différentiel par phase ?
Pas exactement. Il faut surtout respecter la règle : 8 circuits maximum par ID, et les répartir pour équilibrer la charge future.
Puis-je brancher l’atelier en monophasé et passer au triphasé plus tard ?
Oui. Votre solution de tableau secondaire en mono temporaire est idéale. Il suffira ensuite de changer l’alimentation et le disjoncteur.
Un parafoudre est-il obligatoire ?
Il est obligatoire si vous êtes en zone orageuse ou si l’installation est neuve avec compteur > 35 m. Dans tous les cas, il est fortement recommandé.
Comment répartir les phases lors du passage en triphasé ?
Il faut équilibrer les puissances consommées par phase. Typiquement : PH1 (PAC, VE), PH2 (Four, atelier), PH3 (prises, éclairage).
Dois-je prévoir un circuit pour la plaque même si je cuisine au gaz ?
Oui. En rénovation, c’est fortement recommandé : prévoir un disjoncteur 32 A, même inutilisé, évite de rouvrir le tableau plus tard.
Dois-je installer un second parafoudre dans le tableau secondaire ?
Oui si la distance entre le tableau principal et secondaire dépasse 10 mètres — ce qui est le cas ici (15 à 20 m). Un second parafoudre dans le tableau secondaire est recommandé pour assurer une protection complète contre les surtensions.
La terre du parafoudre doit-elle respecter une longueur spécifique ?
Absolument. La liaison à la terre du parafoudre doit être aussi courte que possible, idéalement < 50 cm, avec une section équivalente aux conducteurs principaux (souvent 10 mm² en 63 A).
Glossaire technique
- Contacteur heures creuses : Dispositif de commande permettant de déclencher automatiquement certains circuits (comme le chauffe-eau) selon les horaires du tarif réduit EDF
- Tableau divisionnaire : Tableau secondaire relié au tableau principal pour distribuer l’électricité dans une autre zone.
- Interrupteur différentiel (ID) : Protège les personnes contre les fuites de courant (défaut d’isolement).
- Disjoncteur tétrapolaire : Coupe les trois phases et le neutre en triphasé.
- Répartiteur tétrapolaire : Permet de distribuer proprement les 3 phases + neutre vers différents disjoncteurs.
- Parafoudre : Protège l’installation contre les surtensions liées aux coups de foudre.
- Triphasé : Réseau électrique à 3 phases, permettant de répartir la puissance et de faire fonctionner des appareils puissants.
- VMC : Ventilation Mécanique Contrôlée – système de renouvellement d’air. La simple flux peut être reliée à un circuit prises si la puissance est faible, la double flux nécessite un circuit dédié.
- VE : Véhicule Électrique – nécessite un circuit spécialisé en 2,5 mm² + disjoncteur 20 A (voire 32 A selon la borne).
